Présentation et extrait
Prenons un personnage de l'Antiquité : Thalès de Milet, philosophe grec présocratique du VIème siècle. Un élément-clé de sa philosophie et de sa conception du monde : l'eau.
Transposons-les dans notre monde contemporain en Afrique de l'Ouest par exemple.
De quoi nous parle-t-il ? De migration et de pirogues-corbillards. C'est un peu ça et c'est aussi un petit peu plus compliqué… Thalès-le-fou appartient aux deux mondes.
1/ L'entrée en matière, l'incipit du roman, s'avère fracassante, provocante même avec le personnage emblématique de Thalès-le-fou, narrateur. Personnage se dévoilant sous différentes facettes, à la fois emblématique d'un certain ordre, une logique millénaire au discours fort construit, et personnage fantaisiste, véritable conteur, menant son lecteur, se jouant de lui, l'apostrophant de manière récurrente "C'est moi Thalès qui vous le dit". Thalès se révèle le secrétaire, il relate, décrit, dresse l'inventaire des vices de la société qu'il observe, du monde politique et des quartiers de misère où il vit. Il tente de comprendre comment fonctionne sous ses yeux ce microcosme humain, cette Comédie humaine.
Citons le début de ce texte : p11-12
"Au commencement Thalès.
Connaissez-vous Thalès de Milet ?
Thalès est ce vieux philosophe grec qui vécut au 6ème siècle avant Jésus-Christ et qui dormait à la belle étoile dans un tonneau d'après les ragots des commères de l'Antiquité.
Si vous ne le connaissez pas c'est parce que vous êtes un pauvre ignare de lecteur.
Mais vous allez faire connaissance avec Thalès-le-fou, celui qui dort au Tonneau, Le Tonneau des Danaïdes, une ONG canadienne implantée à Wakogne, cette commune de miséreux perdue à quinze kilomètres de la capitale d'un pays misérable de l'Afrique de l'Ouest. Vous allez connaître l'homme qui est arrivé à Wakogne il y a une dizaine d'années et qui s'est présenté sous le nom de Thalès. Cet homme avait un accoutrement bizarre, une tignasse de timbré et parlait en violant les codes du langage. Dans ce pays où l'apparence prime sur l'essence, il fut pris pour un fou. Il est resté fou. Le fou du village.
Cet homme c'est moi.
Permettez-moi d'abord de me présenter : je suis Thalès-le-fou, Thalès de Wakogne. Mais, puisque nous allons rester un bon bout de temps ensemble, puisque nous allons cheminer dans la bouse de Wakogne et de ses quartiers infâmes, il faudrait qu'il y ait plus d'intimité entre nous. Je dis bien intimité mais pas familiarité ! Je tiens à le préciser parce que l'on ne sait jamais, quand on écrit, sur quel lecteur vicieux psychopathe on peut tomber. Alors pour plus d'intimité, appelez-moi tout juste Thalès.
Je parle d'écriture et de lecture comme si j'étais le plus grand écrivain de tous les temps, comme si tel Alexandre Dumas j'avais écrit des tonnes de romans-fleuves, comme si les Rougon-Macquart de Zola c'était moi qui les avais signés, comme si la Comédie Humaine de Balzac j'en étais l'auteur-compositeur-interprète.
Il n'en est rien.
Et pourtant j'aurais pu écrire cette dernière série. Car de la comédie, il y en a dans ce pays de misère et cette commune de miséreux. Toutefois, je ne suis pas sûr que j'aurais pu utiliser le qualificatif qui suit, parce que je ne sais pas si la comédie qui se joue ici est une affaire d'hommes ou une affaire de golo, une affaire de singe. Je ne sais pas si elle est plus qu'humaine que simiesque. Je me demande parfois si en face de moi j'ai des humains ou de simples hominidés, c'est-à-dire des Australopithèques erectus qui n'ont pas terminé leur processus d'hominisation, qui sont restés bloqués à un stade de cette évolution et qui ne peuvent pas aller plus loin."
2/ Le personnage : Thalès-le-fou ou l'utilisation de la folie comme parade, de l'apparence de folie pour "dire le vrai", l'essence de toute chose. Sorte de dédouanement de l'auteur lui-même pour atténuer la violence de son discours, les portraits au vitriol qu'il dresse? Dans sa logorrhée, il va nous conter toutes sortes de récits, nou
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