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Articles de presse

Du prix du leadership local

Organisé les 07, 08 et 09 novembre 2018 au Grand Théâtre de Dakar sous l'égide du ministère de la gouvernance territoriale, du développement et de l'aménagement du territoire (MGTDAT) en collaboration avec Enda ECOPOP, l'observatoire internationale de la démocratie participative (OIDP), l'union des associations des élus locaux (UAEL) et le programme national de développement local (PNDL), le prix d'excellence du leadership local 2018 a vécu.
Il avait pour objectif de distinguer l'excellence dans la gouvernance territoriale en primant les meilleures pratiques et innovations dans ce domaine.
Les meilleures pratiques et innovations étaient à rechercher dans les six thèmes suivants :
(i) Participation et engagement des citoyens et communautés ;
(ii) Transparence et reddition des comptes ;
(iii) Inclusion, égalité et équité ;
(iv) Efficience et efficacité budgétaires ;
(v) Solidarité et assistance aux communautés vulnérables ;
(vi) Territorialisation des politiques publiques et agendas internationaux de développement.
Un comité de pilotage pour le management du prix et un comité scientifiques de sélection des récipiendaires, ont été mis en place.
A l'issue de la compétition, cinq collectivités territoriales ont obtenu le prix d'excellence. Le conseil départemental de Kaolack a eu deux prix portant, l'un sur la participation et l'engagement citoyen, et l'autre sur la territorialisation des politiques publiques. Les quatre autres collectivités ont reçu chacune un prix sur un thème spécifique. Il s'agit de la Ville de Thiès sur la transparence et la reddition des comptes, de la commune de Pikine sur l'inclusion, l'égalité et l'équité, de la commune de Passy sur l'efficacité et l'efficience budgétaire et, du conseil départemental de Tivaouane sur la solidarité et l'assistance aux communautés vulnérables.
Le processus de sélection est parti de quatre-vingt-deux participants parmi lesquels, vingt-sept ont été nominés et dix-huit primés dont six prix d'excellence. La commune de Sandiara a eu le deuxième prix sur le thème solidarité et assistance aux communautés vulnérables pour son projet "Course contre la Soif", et le troisième prix pour son projet "Création de la zone industrielle" sur le thème territorialisation des politiques publiques.
Les deux autres prix sont allés aux média pour un film documentaire et un article de presse. La bourse de recherche n'a pas été attribuée.
Etant entendu que ce prix sera institutionnalisé et célébré le 10 août de chaque année, il semble utile d'interroger chaque pratique et innovation primée afin de saisir sa pertinence par rapport au thème traité, et la raison pour laquelle, elle constitue la meilleure application possible du thème concerné. Il s'agit après la cérémonie de remise des prix, d'isoler les forces et les faiblesses de l'expérience afin de mieux préparer les éditions à venir.
La participation et l'engagement citoyen c'est connu, sont suscités et entretenus par un leadership fort qui, lui-même, est sous-tendu par un rêve qui renvoie à l'image que le leader se fait du résultat futur de son action. Ainsi, par son charisme et sa crédibilité, il mobilise et suscite l'espoir. Cet espoir prend souvent source dans des succès que lui-même a engrangés dans la résolution de problèmes majeurs de ses concitoyens. Il peut s'agir de trouver une solution pertinente à un problème d'intérêt local partagé comme construire une école, un poste de santé ou fournir de l'eau potable à une population qui en a besoin, entre autres. C'est peut-être le cas pour le président du conseil départemental de Kaolack qui a été primé pour l'application du budget participatif.
Le budget participatif rappelons-le, est "un processus de démocratie directe dans lequel des citoyens peuvent affecter une partie du budget de leur collectivité territoriale, généralement à des projets d'investissement". Née en 1989 à Porto Alegre au Brésil, cette innovation démocratique s'est diffusée à travers le monde. Il repose entre autres sur les principes de solidarité permettant d'orienter les ressources vers les populations les plus défavorisées, la transparence qui assure un meilleur partage de l'information et la participation qui favorise l'implication des différentes catégories d'acteurs dans le processus décisionnel.
Ce budget participatif donc, est un processus impliquant dans ses différentes phases d'élaboration, l'ensemble des catégories d'acteurs. A cette occasion, ces acteurs découvrent les potentialités et possibilités de recettes de leur collectivité, mais également prennent conscience des contraintes et défis à relever. Sensibilisés, ces acteurs sont alors enclins à participer aux solutions retenues. Ces solutions portent dans la plupart des cas sur les stratégies de maîtrise et de mobilisation des ressources, mais également sur leur répartition selon les principes d'équité et de solidarité
L'on remarquera néanmoins, que ce processus est long, parfois fastidieux et budgétivore. Rarement une collectivité le prend en charge pour l'élaboration de son budget. Souvent, le coût est supporté par un ou plusieurs partenaires.
. Dans la maîtrise et la mobilisation des ressources, l'absence de fiscalité locale propre pour le conseil départemental est un handicap majeur. En l'espèce, il est tributaire des ressources de transfert de l'Etat dont il a une faible emprise. Pour accroitre ses ressources budgétaires, il ne peut compter que sur la coopération décentralisée et le partenariat. Sous ce rapport, la question est quelle incidence significative du budget participatif sur l'essor du conseil départemental ?
La réponse à cette question conduit à situer son impact sur les principes de transparence et de solidarité dans les investissements à partir des ressources provenant de l'Etat, du partenariat ou de la coopération décentralisée. Le caractère aléatoire de ces ressources rend difficile la mise en place d'une politique de développement économique local.
En outre, tenant compte du coût du processus d'élaboration du budget participatif et de son impact mitigé sur l'accroissement des ressources, il peut paraitre difficile au conseil départemental de le financer sur fonds propres.
Alors quel est le résultat particulier de l'application du budget participatif par le conseil départemental de Kaolack et de son président sur l'engagement et la participation citoyenne justifiant leur prix d'excellence ?
- Les ressources budgétaires du conseil se sont-elles accrues de manière significative ?
- Sont-elles mieux orientées vers les projets prioritaires ?
- La transparence budgétaire s'est-elle plus accrue par rapport aux autres conseils départementaux ?
- En définitive, quelles sont les retombées positives durables en termes de développement économique et social que le conseil départemental de Kaolack et son président ont tiré de l'application du budget participatif ?
Un éclairage sur ces questions est indispensable à la compréhension de ses impacts sur les collectivités bénéficiaires plus d'une décennie après son application, et trente ans après Porto Alegre.
Par ailleurs, des faits remarqués aussi bien au Brésil qu'au Sénégal dans les collectivités bénéficiaires, poussent à réfléchir sur ses impacts.
En effet au Brésil, l'initiateur du concept, le Président Lula Da Silva est condamné dans son pays pour corruption, et la présidente Dilma Roussef qui l'a remplacé aux affaires est destituée. Quelle est la part du budget participatif dans l'instabilité politique actuelle du Brésil pourrait-on se demander ?
Au Sénégal, la communauté rurale de Fissel entre autres pilotes, a expérimenté le processus. Là aussi, le président du conseil rural porteur du projet a été remplacé, et le processus n'a pas survécu à son départ. Sur les plans économique et social, la commune de Fissel ne s'est pas aussi portée mieux.
Des expériences heureuses existent peut-être, mais elles gagneraient à être connues du grand public.
Le conseil départemental de Kaolack a aussi été primé dans la territorialisation des politiques publiques. Le projet objet du prix est le coaching territorial
Nous entendons par coaching territorial dans le contexte du conseil départemental de Kaolack, l'accompagnement des acteurs territoriaux dans la conduite de leurs projets. Pour le cas d'espèce, il s'agit des producteurs de sel des communes de Kaolack et de Ngathie Nawdé. Cet accompagnement consiste à mettre en relation ces producteurs avec des partenaires pouvant les aider à améliorer la qualité de leur produit, de l'emballage, mais aussi, à acheter la production sur la base de contrats bien ficelés. Sous ce rapport, le coaching permet aux producteurs non seulement de trouver des débouchés, mais aussi d'améliorer la qualité du sel.
Il reste cependant comme défis importants à relever, l'intensification de la production pour la création de plus de valeur ajoutée, mais également la professionnalisation des acteurs grâce à une formation professionnelle appropriée. Il s'agit en définitive, au-delà de l'accompagnement, de créer une économie locale autour du sel où producteurs, transformateurs, distributeurs et financiers s'entremêlent. La vitalité de cette économie accroitra le revenu des acteurs territoriaux y compris les collectivités. C'est ainsi que les territoires pourront être viables et compétitifs. C'est cela l'esprit de "l'Acte 3" de la décentralisation.
Le coaching territorial a-t-il permis d'aboutir à ses résultats ? Une visite des projets nominés avant l'octroi des prix permettrait de répondre à cette question. Les prochaines éditions devront d'ailleurs prévoir cette étape afin de vérifier la véracité des propos allégués dans les fiches techniques. Dans le même ordre d'idées, les projets nominés en 2018 devront être visités, et ceux d'entre eux qui auront le plus réussi, devront voir leurs expériences capitalisées afin de servir de modèles dans leurs domaines respectifs. C'est de cette manière que l'expérience pourra être utile à "l'Acte 3 de la décentralisation". L'autre question qui vient à l'esprit est, qui fait le coaching ? Est-ce le conseil départemental de Kaolack, ou l'Agence Régional de Développement (ARD) ? Aussi, pourrait-on se demander dans quel axe du PSE, rentre ce coaching territorial ? Autant de questions que le comité scientifique devra élucider avant la prochaine édition.
La commune de Sandiara a eu la troisième place dans cette catégorie à travers son projet de création de zone industrielle érigé en zone économique spéciale par décret. Il faut souligner que des trois ZES du Sénégal, seule celle de Sandiara est à l'initiative d'une commune, les deux autres ont été décidées par l'Etat. Dans ce projet, il s'agit de mettre en pratique à l'échelle locale, l'axe 1 du PSE portant sur la restructuration de l'économie et la croissance. La stratégie consiste à passer d'une économie de subsistance d'un secteur primaire peu performant, à une économie industrielle productrice de valeur ajoutée et de débouchés pour les produits primaires.
Concernant le secteur primaire, il est question d'augmenter le temps de travail des agriculteurs de quatre mois à douze, et d'utiliser les itinéraires techniques qui garantissent une bonne productivité et des rendements appréciables. Ce travail s'effectue au niveau des périmètres des forages et dans des fermes créées à cet effet appelées agropoles.
Au plan industriel, la stratégie consiste à attirer les industries à haute valeur technologique à l'aide des avantages liés à la ZES et à L'existence de ressources humaines qualifiées formées au lycée technique professionnel. Aussi, un accent est mis dans la construction d'équipements marchands afin d'accroitre de manière substantielle les ressources propres de la commune. Il s'agit entre autres, du complexe animalier, du port sec et du marché central. L'objectif est d'élever le niveau de vie des populations de la commune et, d'accroitre de manière significative ses ressources propres.
Ce sont ces mesures prises au niveau local et qui mettent en pratique la politique nationale en matière de développement économique, social, culturel et environnemental que nous considérons comme territorialisation des politiques publiques.
Le prix d'excellence de la transparence et de la reddition des comptes est allé à la ville de Thiès. Cela signifie que la gestion des affaires locales est inclusive dans cette collectivité, et que les populations participent à la gestion et à la supervision des affaires. Ce qui normalement, aboutit à une gestion apaisée de l'institution municipale, et donc à une efficacité dans l'exécution des activités.
Nous osons espérer que les choses se passent de cette façon à Thiès, et que les échos que nous avons eus par presses interposées sur le rejet du projet de budget par le conseil, ne sont que des élucubrations politiciennes. Si ce rejet est fondé, l'effet de la transparence et de la' reddition des comptes n'a pas permis de disposer au sein du conseil et des citoyens, d'une masse critique défendant la gestion du Maire primé.
Peut-être que cet effet, attend les prochaines élections locales pour se manifester. Attendons de voir !
La commune de Pikine et son maire ont été primés sur l'inclusion, l'égalité et l'équité. Leur démarche dans la gestion des affaires locales a été participative et leur répartition des ressources équitables parce que prenant en charge les besoins prioritaires des couches vulnérables.
A ce niveau aussi, le comité scientifique devra se pencher sur la conception d'outils standards de mesure de l'inclusion, de l'égalité et de l'équité afin de noter les différentes pratiques sur des bases objectives. Ainsi, les prix décernés seront au-dessus de tout soupçon et serviront à reconnaitre et à célébrer le leadership des exécutifs locaux dans leurs collectivités respectives.
L'efficience et l'efficacité budgétaires ont eu une meilleure application dans la commune de Passy ce qui a valu le prix d'excellence à son maire. Le projet primé porte sur l'utilisation d'une application informatique permettant l'amélioration du recensement et du recouvrement des ressources budgétaires notamment celles relatives aux produits des droits de place au marché. Cette application est une innovation qui peut à terme, accroitre de manière substantielle le rendement fiscal dans les collectivités territoriales en agissant sur la maîtrise et la mobilisation des possibilités financières de ces dernières. Elle est cependant dans une phase expérimentale et gagnerait à être étendue dans l'ensemble des collectivités.
Le prix d'excellence qui est attribué à Monsieur le maire de Passy pour son application est un encouragement pour sa plus grande diffusion au Sénégal et au-delà.
Le prix d'excellence de Solidarité et assistance aux communautés vulnérables est attribué au conseil départemental de Tivouane pour un projet de production de compost. Pour ce cas précis, la solidarité et l'assistance s'adresse à l'agriculture familiale où la paupérisation des parties prenantes est palpable. En effet, l'amenuisement des terres cultivables dû à la poussée démographique et à l'urbanisation, nécessite le passage d'une agriculture de substance à une agriculture performante consommatrice d'engrais.
L'accès à un engrais de qualité à des prix concurrentiels est une contribution significative à la réduction de la vulnérabilité des agriculteurs et un frein à l'exode. Cependant la capacité de production de l'unité ainsi que le prix de vente de l'engrais, constituent des paramètres importants sur lesquels le conseil départemental doit pouvoir agir.
Le conseil départemental de Tivaoune a-t-il cette capacité ? Tels sont les défis qu'il doit relever pour une meilleure solidarité et une assistance aux communautés vulnérables.
La commune de Sandiara a eu le deuxième prix sur ce thème à travers son projet "Course contre la Soif". Ce projet s'inscrit dans les objectifs de développement durable et réalise présentement l'accès universel à l'eau potable dans la commune. Ainsi, aussi bien pour les populations que pour le bétail ou l'agriculture, la disponibilité de l'eau est effective et améliore non seulement la santé, mais allonge également le temps de travail des agriculteurs. Une agriculture florissante se développe autour des agropoles faisant de la commune un pôle de production maraîchère. Les revenus des populations s'accroissent en même temps que naissent dans l'industrie et le commerce, d'autres activités avec la modernisation des équipements marchands.
La réduction de la vulnérabilité transparait déjà dans la vision du Plan Sandiara qui se présente ainsi qu'il suit : "En 2035, Sandiara une commune émergente et bien aménagée, portée par une population bien éduquée et bien formée avec un niveau de revenu des ménages élevé, s'appuyant sur un pôle de développement industriel et d'agro-business dynamique et intégré, une gestion durable des ressources naturelles et une gouvernance territoriale inclusive." Le projet "Course contre la Soif" ainsi que les activités qui l'accompagnent dans le cadre du PSE, installeront définitivement les populations de Sandiara sur les rampes de l'émergence.

L'on retiendra en définitive, que le prix du leadership local a eu le mérite de révéler l'existence de bonnes pratiques dans la conduite des affaires locales ; de souligner le rôle et la place du leadership dans la réalisation de ces bonnes pratiques ; de susciter l'émulation en célébrant les champions et d'inviter les autorités à institutionnaliser l'évènement.

Abdoulaye SENE, Economiste, ancien PCR de Sessène, Consultant, CT du Maire de Sandiara

LE SOLEIL, août 2019


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Du Prix du leadership local 2018
Organisé les 07, 08 et 09 novembre 2018 au Grand Théâtre de Dakar sous l'égide du ministère de la gouvernance territoriale, du développement et de l'aménagement du territoire (MGTDAT) en collaboration avec Enda ECOPOP, l'observatoire internationale de la démocratie participative (OIDP), l'union des associations des élus locaux (UAEL) et le programme national de développement local (PNDL), le prix d'excellence du leadership local 2018 a vécu.
Il avait pour objectif de distinguer l'excellence dans la gouvernance territoriale en primant les meilleures pratiques et innovations dans ce domaine.
Les meilleures pratiques et innovations étaient à rechercher dans les six thèmes suivants :
(i) Participation et engagement des citoyens et communautés ;
(ii) Transparence et reddition des comptes ;
(iii) Inclusion, égalité et équité ;
(iv) Efficience et efficacité budgétaires ;
(v) Solidarité et assistance aux communautés vulnérables ;
(vi) Territorialisation des politiques publiques et agendas internationaux de développement.
Un comité de pilotage pour le management du prix et un comité scientifiques de sélection des récipiendaires, ont été mis en place.
A l'issue de la compétition, cinq collectivités territoriales ont obtenu le prix d'excellence. Le conseil départemental de Kaolack a eu deux prix portant, l'un sur la participation et l'engagement citoyen, et l'autre sur la territorialisation des politiques publiques. Les quatre autres collectivités ont reçu chacune un prix sur un thème spécifique. Il s'agit de la Ville de Thiès sur la transparence et la reddition des comptes, de la commune de Pikine sur l'inclusion, l'égalité et l'équité, de la commune de Passy sur l'efficacité et l'efficience budgétaire et, du conseil départemental de Tivaouane sur la solidarité et l'assistance aux communautés vulnérables.
Le processus de sélection est parti de quatre-vingt-deux participants parmi lesquels, vingt-sept ont été nominés et dix-huit primés dont six prix d'excellence. La commune de Sandiara a eu le deuxième prix sur le thème solidarité et assistance aux communautés vulnérables pour son projet "Course contre la Soif", et le troisième prix pour son projet "Création de la zone industrielle" sur le thème territorialisation des politiques publiques.
Les deux autres prix sont allés aux média pour un film documentaire et un article de presse. La bourse de recherche n'a pas été attribuée.
Etant entendu que ce prix sera institutionnalisé et célébré le 10 août de chaque année, il semble utile d'interroger chaque pratique et innovation primée afin de saisir sa pertinence par rapport au thème traité, et la raison pour laquelle, elle constitue la meilleure application possible du thème concerné. Il s'agit après la cérémonie de remise des prix, d'isoler les forces et les faiblesses de l'expérience afin de mieux préparer les éditions à venir.
La participation et l'engagement citoyen c'est connu, sont suscités et entretenus par un leadership fort qui, lui-même, est sous-tendu par un rêve qui renvoie à l'image que le leader se fait du résultat futur de son action. Ainsi, par son charisme et sa crédibilité, il mobilise et suscite l'espoir. Cet espoir prend souvent source dans des succès que lui-même a engrangés dans la résolution de problèmes majeurs de ses concitoyens. Il peut s'agir de trouver une solution pertinente à un problème d'intérêt local partagé comme construire une école, un poste de santé ou fournir de l'eau potable à une population qui en a besoin, entre autres. C'est peut-être le cas pour le président du conseil départemental de Kaolack qui a été primé pour l'application du budget participatif.
Le budget participatif rappelons-le, est "un processus de démocratie directe dans lequel des citoyens peuvent affecter une partie du budget de leur collectivité territoriale, généralement à des projets d'investissement". Née en 1989 à Porto Alegre au Brésil, cette innovation démocratique s'est diffusée à travers le monde. Il repose entre autres sur les principes de solidarité permettant d'orienter les ressources vers les populations les plus défavorisées, la transparence qui assure un meilleur partage de l'information et la participation qui favorise l'implication des différentes catégories d'acteurs dans le processus décisionnel.
Ce budget participatif donc, est un processus impliquant dans ses différentes phases d'élaboration, l'ensemble des catégories d'acteurs. A cette occasion, ces acteurs découvrent les potentialités et possibilités de recettes de leur collectivité, mais également prennent conscience des contraintes et défis à relever. Sensibilisés, ces acteurs sont alors enclins à participer aux solutions retenues. Ces solutions portent dans la plupart des cas sur les stratégies de maîtrise et de mobilisation des ressources, mais également sur leur répartition selon les principes d'équité et de solidarité
L'on remarquera néanmoins, que ce processus est long, parfois fastidieux et budgétivore. Rarement une collectivité le prend en charge pour l'élaboration de son budget. Souvent, le coût est supporté par un ou plusieurs partenaires.
. Dans la maîtrise et la mobilisation des ressources, l'absence de fiscalité locale propre pour le conseil départemental est un handicap majeur. En l'espèce, il est tributaire des ressources de transfert de l'Etat dont il a une faible emprise. Pour accroitre ses ressources budgétaires, il ne peut compter que sur la coopération décentralisée et le partenariat. Sous ce rapport, la question est quelle incidence significative du budget participatif sur l'essor du conseil départemental ?
La réponse à cette question conduit à situer son impact sur les principes de transparence et de solidarité dans les investissements à partir des ressources provenant de l'Etat, du partenariat ou de la coopération décentralisée. Le caractère aléatoire de ces ressources rend difficile la mise en place d'une politique de développement économique local.
En outre, tenant compte du coût du processus d'élaboration du budget participatif et de son impact mitigé sur l'accroissement des ressources, il peut paraitre difficile au conseil départemental de le financer sur fonds propres.
Alors quel est le résultat particulier de l'application du budget participatif par le conseil départemental de Kaolack et de son président sur l'engagement et la participation citoyenne justifiant leur prix d'excellence ?
- Les ressources budgétaires du conseil se sont-elles accrues de manière significative ?
- Sont-elles mieux orientées vers les projets prioritaires ?
- La transparence budgétaire s'est-elle plus accrue par rapport aux autres conseils départementaux ?
- En définitive, quelles sont les retombées positives durables en termes de développement économique et social que le conseil départemental de Kaolack et son président ont tiré de l'application du budget participatif ?
Un éclairage sur ces questions est indispensable à la compréhension de ses impacts sur les collectivités bénéficiaires plus d'une décennie après son application, et trente ans après Porto Alegre.
Par ailleurs, des faits remarqués aussi bien au Brésil qu'au Sénégal dans les collectivités bénéficiaires, poussent à réfléchir sur ses impacts.
En effet au Brésil, l'initiateur du concept, le Président Lula Da Silva est condamné dans son pays pour corruption, et la présidente Dilma Roussef qui l'a remplacé aux affaires est destituée. Quelle est la part du budget participatif dans l'instabilité politique actuelle du Brésil pourrait-on se demander ?
Au Sénégal, la communauté rurale de Fissel entre autres pilotes, a expérimenté le processus. Là aussi, le président du conseil rural porteur du projet a été remplacé, et le processus n'a pas survécu à son départ. Sur les plans économique et social, la commune de Fissel ne s'est pas aussi portée mieux.
Des expériences heureuses existent peut-être, mais elles gagneraient à être connues du grand public.
Le conseil départemental de Kaolack a aussi été primé dans la territorialisation des politiques publiques. Le projet objet du prix est le coaching territorial
Nous entendons par coaching territorial dans le contexte du conseil départemental de Kaolack, l'accompagnement des acteurs territoriaux dans la conduite de leurs projets. Pour le cas d'espèce, il s'agit des producteurs de sel des communes de Kaolack et de Ngathie Nawdé. Cet accompagnement consiste à mettre en relation ces producteurs avec des partenaires pouvant les aider à améliorer la qualité de leur produit, de l'emballage, mais aussi, à acheter la production sur la base de contrats bien ficelés. Sous ce rapport, le coaching permet aux producteurs non seulement de trouver des débouchés, mais aussi d'améliorer la qualité du sel.
Il reste cependant comme défis importants à relever, l'intensification de la production pour la création de plus de valeur ajoutée, mais également la professionnalisation des acteurs grâce à une formation professionnelle appropriée. Il s'agit en définitive, au-delà de l'accompagnement, de créer une économie locale autour du sel où producteurs, transformateurs, distributeurs et financiers s'entremêlent. La vitalité de cette économie accroitra le revenu des acteurs territoriaux y compris les collectivités. C'est ainsi que les territoires pourront être viables et compétitifs. C'est cela l'esprit de "l'Acte 3" de la décentralisation.
Le coaching territorial a-t-il permis d'aboutir à ses résultats ? Une visite des projets nominés avant l'octroi des prix permettrait de répondre à cette question. Les prochaines éditions devront d'ailleurs prévoir cette étape afin de vérifier la véracité des propos allégués dans les fiches techniques. Dans le même ordre d'idées, les projets nominés en 2018 devront être visités, et ceux d'entre eux qui auront le plus réussi, devront voir leurs expériences capitalisées afin de servir de modèles dans leurs domaines respectifs. C'est de cette manière que l'expérience pourra être utile à "l'Acte 3 de la décentralisation". L'autre question qui vient à l'esprit est, qui fait le coaching ? Est-ce le conseil départemental de Kaolack, ou l'Agence Régional de Développement (ARD) ? Aussi, pourrait-on se demander dans quel axe du PSE, rentre ce coaching territorial ? Autant de questions que le comité scientifique devra élucider avant la prochaine édition.
La commune de Sandiara a eu la troisième place dans cette catégorie à travers son projet de création de zone industrielle érigé en zone économique spéciale par décret. Il faut souligner que des trois ZES du Sénégal, seule celle de Sandiara est à l'initiative d'une commune, les deux autres ont été décidées par l'Etat. Dans ce projet, il s'agit de mettre en pratique à l'échelle locale, l'axe 1 du PSE portant sur la restructuration de l'économie et la croissance. La stratégie consiste à passer d'une économie de subsistance d'un secteur primaire peu performant, à une économie industrielle productrice de valeur ajoutée et de débouchés pour les produits primaires.
Concernant le secteur primaire, il est question d'augmenter le temps de travail des agriculteurs de quatre mois à douze, et d'utiliser les itinéraires techniques qui garantissent une bonne productivité et des rendements appréciables. Ce travail s'effectue au niveau des périmètres des forages et dans des fermes créées à cet effet appelées agropoles.
Au plan industriel, la stratégie consiste à attirer les industries à haute valeur technologique à l'aide des avantages liés à la ZES et à L'existence de ressources humaines qualifiées formées au lycée technique professionnel. Aussi, un accent est mis dans la construction d'équipements marchands afin d'accroitre de manière substantielle les ressources propres de la commune. Il s'agit entre autres, du complexe animalier, du port sec et du marché central. L'objectif est d'élever le niveau de vie des populations de la commune et, d'accroitre de manière significative ses ressources propres.
Ce sont ces mesures prises au niveau local et qui mettent en pratique la politique nationale en matière de développement économique, social, culturel et environnemental que nous considérons comme territorialisation des politiques publiques.
Le prix d'excellence de la transparence et de la reddition des comptes est allé à la ville de Thiès. Cela signifie que la gestion des affaires locales est inclusive dans cette collectivité, et que les populations participent à la gestion et à la supervision des affaires. Ce qui normalement, aboutit à une gestion apaisée de l'institution municipale, et donc à une efficacité dans l'exécution des activités.
Nous osons espérer que les choses se passent de cette façon à Thiès, et que les échos que nous avons eus par presses interposées sur le rejet du projet de budget par le conseil, ne sont que des élucubrations politiciennes. Si ce rejet est fondé, l'effet de la transparence et de la' reddition des comptes n'a pas permis de disposer au sein du conseil et des citoyens, d'une masse critique défendant la gestion du Maire primé.
Peut-être que cet effet, attend les prochaines élections locales pour se manifester. Attendons de voir !
La commune de Pikine et son maire ont été primés sur l'inclusion, l'égalité et l'équité. Leur démarche dans la gestion des affaires locales a été participative et leur répartition des ressources équitables parce que prenant en charge les besoins prioritaires des couches vulnérables.
A ce niveau aussi, le comité scientifique devra se pencher sur la conception d'outils standards de mesure de l'inclusion, de l'égalité et de l'équité afin de noter les différentes pratiques sur des bases objectives. Ainsi, les prix décernés seront au-dessus de tout soupçon et serviront à reconnaitre et à célébrer le leadership des exécutifs locaux dans leurs collectivités respectives.
L'efficience et l'efficacité budgétaires ont eu une meilleure application dans la commune de Passy ce qui a valu le prix d'excellence à son maire. Le projet primé porte sur l'utilisation d'une application informatique permettant l'amélioration du recensement et du recouvrement des ressources budgétaires notamment celles relatives aux produits des droits de place au marché. Cette application est une innovation qui peut à terme, accroitre de manière substantielle le rendement fiscal dans les collectivités territoriales en agissant sur la maîtrise et la mobilisation des possibilités financières de ces dernières. Elle est cependant dans une phase expérimentale et gagnerait à être étendue dans l'ensemble des collectivités.
Le prix d'excellence qui est attribué à Monsieur le maire de Passy pour son application est un encouragement pour sa plus grande diffusion au Sénégal et au-delà.
Le prix d'excellence de Solidarité et assistance aux communautés vulnérables est attribué au conseil départemental de Tivouane pour un projet de production de compost. Pour ce cas précis, la solidarité et l'assistance s'adresse à l'agriculture familiale où la paupérisation des parties prenantes est palpable. En effet, l'amenuisement des terres cultivables dû à la poussée démographique et à l'urbanisation, nécessite le passage d'une agriculture de substance à une agriculture performante consommatrice d'engrais.
L'accès à un engrais de qualité à des prix concurrentiels est une contribution significative à la réduction de la vulnérabilité des agriculteurs et un frein à l'exode. Cependant la capacité de production de l'unité ainsi que le prix de vente de l'engrais, constituent des paramètres importants sur lesquels le conseil départemental doit pouvoir agir.
Le conseil départemental de Tivaoune a-t-il cette capacité ? Tels sont les défis qu'il doit relever pour une meilleure solidarité et une assistance aux communautés vulnérables.
La commune de Sandiara a eu le deuxième prix sur ce thème à travers son projet "Course contre la Soif". Ce projet s'inscrit dans les objectifs de développement durable et réalise présentement l'accès universel à l'eau potable dans la commune. Ainsi, aussi bien pour les populations que pour le bétail ou l'agriculture, la disponibilité de l'eau est effective et améliore non seulement la santé, mais allonge également le temps de travail des agriculteurs. Une agriculture florissante se développe autour des agropoles faisant de la commune un pôle de production maraîchère. Les revenus des populations s'accroissent en même temps que naissent dans l'industrie et le commerce, d'autres activités avec la modernisation des équipements marchands.
La réduction de la vulnérabilité transparait déjà dans la vision du Plan Sandiara qui se présente ainsi qu'il suit : "En 2035, Sandiara une commune émergente et bien aménagée, portée par une population bien éduquée et bien formée avec un niveau de revenu des ménages élevé, s'appuyant sur un pôle de développement industriel et d'agro-business dynamique et intégré, une gestion durable des ressources naturelles et une gouvernance territoriale inclusive." Le projet "Course contre la Soif" ainsi que les activités qui l'accompagnent dans le cadre du PSE, installeront définitivement les populations de Sandiara sur les rampes de l'émergence.

L'on retiendra en définitive, que le prix du leadership local a eu le mérite de révéler l'existence de bonnes pratiques dans la conduite des affaires locales ; de souligner le rôle et la place du leadership dans la réalisation de ces bonnes pratiques ; de susciter l'émulation en célébrant les champions et d'inviter les autorités à institutionnaliser l'évènement.


Auteur concerné :

Abdoulaye Sène


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