Jean Dib Ndiaye
"Diokel" est une œuvre romanesque qui fait le récit d'une histoire d'amour poignant entre un prince sérère et hériter du trône du Sine enrôlé de force dans l'armée coloniale pendant la deuxième guerre mondiale et Makane, une princesse de Tataguine. Son auteur, l'adjudant-chef à la retraite, Jean Dib Ndiaye, a procédé, hier, à la cérémonie de présentation et de dédicace de ce roman publié aux Editions L'Harmattan Sénégal.
La première question qui taraude l'esprit, quand on découvre le roman de Jean Dib Ndiaye, c'est comment un adjudant-chef de la gendarmerie peut faire preuve d'un talent littéraire aussi remarquable ? "Diokel", qui vient de paraître aux Editions L'Harmattan Sénégal, est une œuvre écrite avec une rare finesse et dans un style singulier rappelant ainsi les grands chefs d'œuvre de la littérature à l'image de "Voyage au bout de la nuit" de Louis Ferdinand Céline ou encore "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust.
Pavé de plus 300 pages, ce roman raconte de manière émouvante une partie du passé colonial de l'Afrique plongée dans les périodes sombres de la Seconde guerre mondiale. Comme pour mesurer la dimension de ces tragédies qui ont complètement bouleversé les sociétés africaines en une époque, l'auteur évoque une triste histoire d'amour entre Diokel, jeune berger et hériter du trône du Sine, "arraché à l'affection des siens au jour même de ses justes noces avec Makane, une princesse de Tataguine". Cette histoire d'amour impossible due à l'enrôlement forcé de Diokel dans l'armée coloniale pendant la guerre 1939-1945 est au cœur de cette œuvre aux relents historiques.
Ouvrage historique et sociologiquement bien documenté, "Diokel" est une plongée dans la société sérère d'une époque lointaine. Avec une description ingénieuse de ces royaumes, ces villages à l'univers sauvage "constitués de futaies, de savanes, de fleuves et de rivières". Mais également de cette "flore peuplée d'une faune diversifiée faisant le charme de ce mode de vie que seule la campagne peut offrir". Dans son roman, Jean Dib Ndiaye évoque, avec une attention chirurgicale, les coutumes et les traditions sérères. Ces peuples hospitaliers se cachant derrière des valeurs qui constituaient les fondements de la cohésion sociale bâtie autour des groupes sanguins universellement communs, les rangs sociaux.
Autrement dit, "un système sociologique immémorial qui avait instauré des lignes d'ascendances consanguines ou matrilinéaires". Le livre est un viatique à la promotion de ces valeurs séculaires fondées autour de la tolérance, du pardon, de la patience, la responsabilité et la pudeur. Il traite aussi du conflit de génération à travers la dualité entre la tradition et le modernisme.
Seulement, aux yeux de l'auteur, fortement enraciné dans ses valeurs, "la tradition et le modernisme ne se bousculent que dans la tête des incultes".
Plusieurs thématiques
L'adjudant-chef à la retraite regrette, aujourd'hui, la mauvaise interprétation de la modernité. Roman à la fois plaisant et complexe, "Diokel" est, selon Jean Dib Ndiaye, un livre destiné à toutes les générations. Selon lui, dans un contexte de perte de repères liée à l'influence intérieure, il serait important que notre jeunesse puisse profiter de cet ouvrage. Pr Madior Diouf, ancien ministre, qui a procédé à la présentation du livre, a parlé d'une œuvre marquée par une surabondance des thématiques, un roman de l'aventure européenne et de mœurs africaines. De son avis, l'auteur peint les mœurs d'une Afrique bouleversée par les violences de la colonisation ainsi que les exigences de l'effort de guerre.
"C'est un Sérère profondément enraciné et il le montre par l'univers qu'il a su recréer et la profondeur de son regard sur cette société", a-t-il souligné. Le directeur de Livre et de la Lecture a salué le travail de "documentation fouillée" de Jean Dib Ndiaye. Ibrahima Lô a relevé la pertinence de faire passer ce livre à l'écran.
De son côté, le commandant de la Gendarmerie territoriale, représentant Meïssa Niang, Haut commandant de la Gendarmerie, a estimé que ce roman replonge dans un passé colonial aux réalités douloureuses. Ainsi, entre réalité et fiction, a noté Mamadou Diouf, il met en exergue les valeurs sociales qui constituent le soubassement de la société sérère marquée, entre autres, par la fidélité, le courage et la solidarité.
Né en 1955 à Fadial, dans la commune de Nguéniène, l'adjudant-chef Jean Dib Ndiaye a intégré l'armée en 1974. L'homme, très tôt distingué par ses supérieurs et camarades, a soutenu le lieutenant Dieudonné Agbo, qui sera nommé à l'emploi de Première classe. Vouant une profonde estime à la Gendarmerie, il déclinera la faveur d'un engagement préférant déposer son dossier de candidature au concours d'entrée à la Gendarmerie. Après sa formation, il est affecté à l'escadron de protection, puis à la garde rouge. Dans sa carrière, Jean Dib Ndiaye a occupé plusieurs postes de responsabilité au niveau de la Gendarmerie. Son tout premier roman, "Diokel", marque son entrée dans l'univers littéraire.
Ibrahima BA HTTP://LESOLEIL.SN/2016-03-22-23-38-25/ITEM/71258-ROMAN-DIOKEL-DE-JEAN-DIB-NDIAYE-RECIT-D-UN-AMOUR-IMPOSSIBLE-DANS-UN-CONTEXTE-COLONIAL.HTML, octobre 2017
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