Livre - Politique africaine de la France : Dieynaba Sarr "piste" les éléments de rupture et de continuité
Aux éditions L'Harmattan, vient de paraître l'ouvrage ainsi intitulé : "La politique africaine de la France : entre rupture et continuité". L'auteur, Dieynaba Sarr, jeune juriste sénégalaise travaillant à la direction des affaires juridiques et de la coopération de l'Agence nationale des affaires maritimes, s'emploie à suivre les évolutions de cette politique "pourvoyeuse" de controverses à travers ses vicissitudes, ses occurrences, ses saisissants épisodes qui continuent de dessiner le présent, malgré quelques événements et une conscience nouvelle en faveur d'une "métamorphose".
Dieynaba Sarr peut tirer fierté de ces propos du préfacier, l'éminent professeur Alioune Sall, à l'endroit de son travail : "la tâche à laquelle l'auteur s'est attelé était moins simple qu'il n'y paraît. Même si - et il faut s'en féliciter - elle ne cède jamais à la tentation, jadis courante, d'imputer à l'ancienne puissance coloniale tous les maux de l'Afrique, dans une sorte de posture idéologique, au sens péjoratif du terme, elle a eu le mérite de mettre en évidence les limites de ces proclamations de bonne volonté, en mettant en exergue les vestiges de la relation inégalitaire qui a marqué le lien entre la France et ses anciennes colonies. Mais il faut, sans doute, voir dans la relative tempérance qui caractérise les appréciations de l'auteur, une forme d'hommage à la complexité des choses, car si les États n'ont, comme toujours, que beaucoup d'"intérêts" et peu d'"amis", l'objectivité oblige à reconnaître que dans un passé récent, l'ancienne puissance coloniale a eu à mener des opérations dont le caractère salutaire est difficilement niable…Il faut comprendre l'évaluation que nous livre Mlle Sarr comme un appel à mieux faire, et non comme une diatribe facile, tant il est vrai que c'est dans une coopération harmonieuse et dans le respect mutuel que la France et l'Afrique pourront réaliser un partenariat dont il ne vient à l'esprit de personne de douter de la nécessité".
L'avis exprimé, ici, par celui qui est par ailleurs juge à la Cour de Justice de la Cedeao, apporte une caution à un travail de recherche scientifique approfondi et méticuleux digne des meilleurs éloges. Car, cet ouvrage fournit un monceau d'indications sur le cheminement entre des pays dominés et une Nation "couveuse" en perpétuelle quête de consolidation des acquis dont la trajectoire historique l'a gratifiée. Dieynaba Sarr ne fait pas que narrer des récits collectifs. Elle piste "l'inédit" et "épluche" les mouvements onduleux des revendications fondées ou illégitimes. Elle leur confère une signification qui transcende le temps passé. L'auteur n'y fait référence que pour trouver une cause au présent embrumé. Celui-ci est largement imputable à la nature des relations consenties, dans une relative opacité, entre les deux parties qui s'abaissent à des compromissions très souvent préjudiciables aux peuples dont les dirigeants ont du mal à se soustraire du joug colonial.
Réévaluation des liens franco-africains
Dieynaba Sarr le dit avec ses mots, sa science et surtout avec une claire conscience des écueils contre lesquels échouent les Africains et ceux favorables à la redéfinition de ces rapports. C'est pourquoi, ce livre est plus qu'une dénonciation, plus qu'un révolutionnarisme béat à la manière des néo-indignés, plus qu'un constat sombre et angoissant. Il est, grâce aux informations qu'il met à la disposition de l'Africain ou de l'humain tout simplement, un viatique sur le chemin de l'éveil, du retour à soi et de l'action ; celle-là qui prépare le rendez-vous avec le destin. Il est question, ici, des prémices d'une réévaluation des liens franco-africains que le temps et certains esprits exigent obstinément et de la persistante continuité, comme elle dit, de la politique africaine de la France.
La prouesse de cette jeune juriste sénégalaise, mais d'une touchante maturité, est d'avoir été tempérante dans l'analyse des faits présents et passés tout en n'engloutissant pas des pans de mémoire par complaisance. Le titre en témoigne largement. Ce passage ci-après, encore plus : "Concernant les rapports liant la France à ses anciennes colonies, il est impossible de parler exclusivement de rupture ou de continuité. En effet, il est évident que le contexte actuel redessine, de manière considérable, ces liens en reflétant leur mise à mal et, de ce point de vue, une rupture de la politique africaine de la France est en train de s'opérer… Toutefois, malgré ce vent de révolution qui menace cette politique, il est indubitable que de nombreux éléments de continuité subsistent dans les relations que la France entretient avec ses anciennes colonies d'Afrique subsaharienne". La lauréate au concours général sénégalais, en 2006 et en 2007, donne au lecteur les éléments nécessaires à la compréhension de ce lien qui s'est engagé dans plusieurs allées de servitude pour certains et de salut pour d'autres.
Alassane Aliou MBAYE
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