Préface au texte de Abdourahmane KEITA Par monsieur Mady DANFAKHA, enseignant.
Comme le disait si bien Charles de MONTALEMBERT, "vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s'occupe de vous tout de même". Alors occupons-nous de politique. C'est ce que fait admirablement monsieur KEITA dans cette contribution à la clarification du débat qui agite le Sénégal depuis quelques mois.
Depuis que l'actuel président de la République, monsieur Abdoulaye WADE, a manifesté la volonté de se présenter, pour un troisième mandat, à l'élection présidentielle de février 2012, la levée de boucliers a été quasi unanime. Les protestations ont fusé de partout. Créant une situation d'insurrection intellectuelle sans précédent dans le pays et même en dehors. La société civile est devenue subitement visible et incontournable. Elle a pris la parole, que dis-je… elle a arraché la parole aux politiques ! Du jamais vu au Sénégal. La démocratie sénégalaise venait de franchir un cap. Sans vraiment s'en rendre compte, monsieur WADE venait de faire entrer la démocratie sénégalaise dans une autre dimension. Celle qui peut nous conduire à avoir le sentiment que chaque Sénégalais et chaque Sénégalaise se veut partie prenante de la vie politique de son pays. C'est salutaire, car toute démocratie vit parce que le peuple au sein duquel elle se développe la fait vivre. Cependant, ce changement de dimension peut aussi être lourd de menaces pour cette même démocratie sénégalaise qui, comme toutes les autres, est fragile et demande une attention de tous les instants.
En effet, très vite les militants favorables et les opposants à cette candidature à un troisième mandat de monsieur WADE ont quitté le terrain de la confrontation des idées pour aller sur celui de la confrontation physique. Les positions se sont radicalisées. La violence physique a fait irruption sur la scène politique. Et au moment où j'écris ces lignes, on a déjà déploré une perte de vie humaine, à Dakar, directement liée à cette violence politique. C'est inacceptable. Et il faut tout faire pour arrêter cette dérive.
Un des moyens d'y arriver est de donner aux Sénégalais une grille de lecture des évènements en plongeant au cœur du problème : la Loi Fondamentale de la République du Sénégal, sa Constitution. Scruter cette Constitution, observer ses évolutions depuis sa première version jusqu'à celle qui est en vigueur aujourd'hui, éclairer les relations troubles que les hommes politiques sénégalais ont toujours eues avec elle, est une œuvre utile en ces temps où tout se mélange. C'est à ce travail de clarification que se livre monsieur KEITA. Il verse ainsi au débat une pièce supplémentaire de grande qualité.
C'est en spécialiste sociologie politique que monsieur KEITA nous livre des éléments de compréhension de la situation actuelle. Et c'est tant mieux car il aurait pu, comme beaucoup de Sénégalais aujourd'hui, laisser son affect guider sa plume. Il a su éviter cet écueil. Il est resté sur l'analyse du marché politique au Sénégal plus que sur la candidature de monsieur WADE à un troisième mandat à la tête du Sénégal. Et c'est tant mieux. Parce que s'il reste vrai, et même souhaitable, que chaque Sénégalais peut s'emparer de ce débat hautement démocratique, il peut être dangereux de se livrer à des amalgames qui créent la confusion, conduisant ainsi à ces dérives que nous dénoncions plus haut.
Le Sénégal est un pays qui compte un nombre impressionnant de femmes et d'hommes de grande valeur. Ils l'ont prouvé depuis de longues décennies à travers l'Afrique et le reste du monde. Le Sénégal n'a pas été considéré comme une vitrine de la démocratie en Afrique pendant des décennies par hasard. C'est parce que ses filles et ses fils ont été jusqu'ici à la hauteur de la situation à chaque moment crucial de son histoire. Et un moment crucial sera encore vécu en ce premier trimestre de 2012. Malgré toutes les cassandres et autres oiseaux de mauvais augure, je n'ai pas le moindre doute sur le fait qu'une fois encore, les filles et les fils de ce pays seront à la hauteur. Parce que le Sénégal est le bien commun de tous les Sénégalais. La défense de sa démocratie incombe à tous ses enfants. Et jamais la conscience de ce devoir n'a été aussi profonde pour chacun d'entre eux !
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